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Ministère du Travail, de la Formation
et du Développement des compétences
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Voir aussi : Examen portant sur l'évolution des milieux de travail
Deux questions sont sans cesse revenues sur le tapis :
Les travailleurs employés en vertu de la définition contenue dans la LNE sont parfois classifiés de façon « erronée » par leurs employeurs – de façon intentionnelle ou non – comme étant des entrepreneurs indépendants, non visés par la LNE.
Actuellement, 12 % de la population active totale de l’Ontario, représentant 5,25 millions de personnes, sont déclarés comme étant des « travailleurs autonomes à leur compte » (c.-à-d. des personnes qui travaillent à leur compte sans employés rémunérés).[118] L’expérience du ministère du Travail dans l’application de la Loi et de nombreuses preuves empiriques suggèrent qu’une partie de ces « travailleurs autonomes à leur compte » sont classifiés de façon erronée et sont plutôt des employés au sens de la LNE, mais sont traités par leurs employeurs comme des entrepreneurs indépendants. Le département du travail des États-Unis (DOL) a indiqué que « la classification erronée des employés considérés comme des entrepreneurs indépendants constitue l’un des plus graves problèmes touchant les travailleurs concernés, les employeurs et l’économie en général. »[119]
Les entreprises qui considèrent à tort les employés comme des entrepreneurs indépendants évitent les coûts financiers directs liés à la conformité à la LNE et à d’autres lois. Ces coûts comprennent :
De plus, les employés considérés à tort comme entrepreneurs indépendants n’ont pas droit aux avantages sociaux qui sont consentis aux employés. Bref, la classification erronée a une incidence négative importante sur les travailleurs ontariens considérés comme des entrepreneurs indépendants et qui ne sont pas traités comme des employés.
La Commission du droit de l’Ontario (CDO) reconnaît le problème de la classification erronée et a exprimé l’opinion qu’une partie de la solution consiste à recourir davantage à l’application proactive :
La classification erronée est, selon le DOL, un vaste et important problème, représentant :
Pour souligner l’importance du problème de la classification erronée, le DOL a consacré d’importantes ressources au problème dans le cadre de poursuites devant la cour fédérale, a signé des ententes de partenariat avec de nombreux États afin de faciliter la détection des cas de classification erronée et les poursuites qui en découlent. En 2015, les enquêtes du DOL ont permis de récupérer plus de 74 millions de dollars en arrérages de salaires dus à plus de 102 000 travailleurs dans des industries comme celles des services de nettoyage, de l’aide temporaire, de l’alimentation, de la garde d’enfants, du tourisme et du vêtement.[122] On a également signalé que des cas de classification erronée, considérés par le DOL comme des cas de fraude en milieu de travail, font l’objet de nombreux recours collectifs rentables.[123]
La LNE s’applique aux « employés » – aux travailleurs qui ont une relation d’emploi avec un employeur. Les entrepreneurs indépendants ne sont pas des employés.
Selon la définition actuelle de la LNE, un employé est :
Des définitions semblables ont déjà figuré dans des versions antérieures de la LNE. La définition actuelle est en vigueur depuis 2001. Conjointement avec la définition donnée dans la Loi, divers critères de common law sont utilisés pour déterminer si un travailleur est un employé. Ces critères ont évolué et se sont élargis au fil des ans, et incluent davantage de travailleurs à titre d’employés.
Avec le temps, l’économie de l’Ontario est devenue plus complexe, les milieux de travail se sont fissurés, et un vaste éventail de relations et de dispositions ont été créées entre les travailleurs et les employeurs, allant de relations d’emploi standards à une extrémité de l’éventail, à celles d’entrepreneurs indépendants à l’autre extrémité (voir le chapitre 3). Ces relations en constante évolution ont fait en sorte que les anciennes définitions ne correspondaient plus au milieu de travail actuel. Ce ne sont pas tous les travailleurs qui correspondent parfaitement à la catégorie d’employé ou d’entrepreneur indépendant. Dans cet éventail, il y a les travailleurs dont les relations correspondent davantage à une relation d’emploi traditionnelle qu’à celle d’un entrepreneur indépendant, et qui sont privés de la protection prévue dans la LNE.
En common law, on reconnaît depuis longtemps qu’il existe une catégorie de travailleurs ne correspondant pas à un employé traditionnel, et qui n’est pas non plus un entrepreneur indépendant, mais qui a droit à certaines protections prévues en common law pour les employés, comme un préavis de licenciement raisonnable. La Cour d’appel de l’Ontario[124] a conclu qu’il existe une catégorie intermédiaire entre celles d’employé et d’entrepreneur indépendant, « qui correspond, au moins, à des relations de travail de non-emploi permettant une certaine dépendance économique minimale, et pouvant être démontrée par une exclusivité complète ou quasi complète. Les travailleurs faisant partie de cette catégorie sont dits « entrepreneurs dépendants » et ont droit à un préavis de licenciement raisonnable. » La Cour signale que la reconnaissance d’une catégorie intermédiaire reposant sur une dépendance économique est conforme à la catégorie d’« entrepreneur dépendant » prévue dans la Loi de 1995 sur les relations de travail (LRT).
La LRT prévoit qu’un « employé » s’entend d’un « entrepreneur dépendant » défini comme suit :
Il n’y a, dans la LNE, aucune disposition équivalente à la disposition d’entrepreneur dépendant prévue dans la LRT, définissant précisément qu’un « employé », aux fins de la Loi, s’entend aussi d’un entrepreneur dépendant.
Une autre question soulevée par certains est que les entrepreneurs indépendants devraient également être inclus dans la Loi. Une étude réalisée en 2002 pour la Commission du droit du Canada fait valoir qu’en dépit du fait qu’il existe de bonnes raisons d’inclure les entrepreneurs indépendants dans la LNE, en raison de la difficulté d’appliquer toutes les normes aux entrepreneurs indépendants, une autre étude était nécessaire.[125] En 2012, la CDO, rejetait toutefois essentiellement l’inclusion des entrepreneurs indépendants dans la LNE.[126]
En vertu de la US Fair Labor Standards Act (FLSA), pour déterminer si un travailleur est un employé, la Loi s’applique à établir, compte tenu de la réalité économique, si le travailleur est dépendant économiquement de son employeur présumé ou s’il est plutôt en affaires à son propre compte. Des interprétations des critères à utiliser pour déterminer la dépendance économique ont été formulées par l’Administrateur.[127]
Les deux enjeux abordés ci-dessus ont fait l’objet d’observations de la part des syndicats et des groupes de défense des employés.
Ces derniers ont affirmé que de trop nombreux employés sont classés à tort par les employeurs comme des entrepreneurs indépendants. Une telle classification erronée fait en sorte que les employés doivent travailler dans des conditions inadéquates et qu’ils ne bénéficient pas des droits et des protections prévus dans la Loi. Leur inquiétude quant à la classification erronée ne se limite pas à une seule entreprise ou à un seul secteur, mais ils s’inquiètent qu’elle soit plus fréquente dans certains segments de l’économie, notamment : la consommation collaborative/pair-à-pair, les industries du nettoyage, du camionnage, de la livraison de produits alimentaires et de la technologie de l’information – entre autres.
Les groupes de défense des employés suggèrent que la classification erronée est le fait de l’ignorance de la Loi par les employeurs et les employés, en raison de l’avantage perçu par les employés qu’ils peuvent déduire leurs dépenses professionnelles de leurs revenus (ce qui peut inciter davantage les employés à être traités comme des entrepreneurs indépendants), et parce que les employeurs se soustraient volontairement à leurs obligations légales et réalisent des économies en agissant ainsi.
En ce qui a trait au deuxième enjeu, les syndicats et les groupes de défense des employés ont observé que la LNE devrait s’appliquer spécifiquement aux entrepreneurs dépendants. Quelques groupes de défense des employés ont suggéré que la portée de la LNE englobe les entrepreneurs indépendants, mais dans l’ensemble, les observations étaient axées sur les avantages d’une modification de la LNE pour que les entrepreneurs dépendants bénéficient de la protection de la Loi. Ces groupes ont suggéré que la LNE actuelle constitue un incitatif à la fissuration et encourage les entreprises à structurer leurs milieux de travail pour que le travail s’effectue sans employés, ce qui leur permet de se soustraire aux obligations des employeurs en vertu de la LNE, privant ainsi dans les faits les travailleurs vulnérables de leur droit au travail.
Enfin, les groupes de défense des employés ont affirmé que dans les cas de litige quant à savoir si une personne est ou non un employé, le fardeau de la preuve, selon la prépondérance des probabilités qu’une personne ne soit pas un employé, devrait incomber à l’employeur.
Harry Arthurs, dans son document intitulé Fairness at Work, recommandait l’inclusion d’une disposition de « travailleur autonome » semblable, du point de vue conceptuel, à la disposition pour les entrepreneurs dépendants prévue dans le Code canadien du travail (CCT).[128] Bien que la CDO ait rejeté l’inclusion des entrepreneurs indépendants dans la LNE,[129] elle a reconnu qu’il faudrait étudier la création d’une disposition législative assurant la protection des entrepreneurs dépendants, recommandant au gouvernement de l’Ontario d’envisager la possibilité d’étendre certains mécanismes de protection prévus dans la LNE aux travailleurs indépendants ayant une relation de travail dépendante avec un client, en mettant l’accent sur les travailleurs à faible revenu, et en créant d’autres mécanismes pour répondre à leurs besoins de protection en vertu des normes d’emploi.[130]
Le rapport de la Commission Thompson de 1994 relativement à Loi sur les normes d’emploi de la Colombie-Britannique recommandait que l’expression entrepreneurs dépendants, puisque c’est celle qui est utilisée dans le Labour Relations Code, soit intégrée à la définition d’« employé » dans la LNE. Le gouvernement n’a pas adopté cette recommandation.
Certains employeurs ont émis des commentaires sur les deux principales questions évoquées ci-dessus. Les employeurs ont fréquemment besoin de recourir à des entrepreneurs indépendants dont l’expertise unique, le coût, l’efficacité et la disponibilité ne peuvent être égalés par leurs propres employés, et ils contesteraient le fait que ces entrepreneurs sont des entrepreneurs dépendants. Les employeurs souligneraient également que certaines sections de la LNE, comme celles sur les heures de travail et la rémunération des heures supplémentaires, sont difficiles à appliquer à des travailleurs en particulier, même s’ils sont dépendants, car les travailleurs ont tendance à définir eux-mêmes leurs propres heures de travail.
Il est essentiel de déterminer le ou les employeurs appropriés ainsi que les autres parties qui doivent être responsables d’offrir les conditions d’emploi minimales aux employés d’une entreprise, afin de maintenir un système viable permettant de garantir la conformité aux normes d’emploi. La question est de savoir quelles entités doivent partager la responsabilité du respect des normes d’emploi.
Actuellement, les entités et les personnes responsables, en plus de l’employeur direct, sont :
La question est de savoir si l’une ou l’autre de ces catégories doit être changée, et quelles autres catégories doivent être ajoutées.
Quand on établit la responsabilité de la conformité à la Loi sur les normes d’emploi, les définitions données dans la Loi et les mécanismes d’exécution ont traditionnellement été axés sur l’entité qui emploie directement une personne. Toutefois, dans ce que l’on appelle la « fissuration » des relations de travail, plusieurs entreprises ont délaissé l’emploi direct grâce à diverses méthodes organisationnelles comme la sous-traitance, l’externalisation, le franchisage et le recours aux travailleurs des APT (voir la description de « fissuration » au chapitre 3). Certaines de ces activités sont motivées par des raisons organisationnelles, et d’autres le sont dans le but exprès d’isoler et de protéger l’entreprise de niveau supérieur – qui tire avantage de la main-d’œuvre – des responsabilités liées aux normes d’emploi. Certaines de ces activités sont entreprises pour un mélange complexe de motifs.
La non-conformité dans bien des industries peut être motivée par les pratiques d’organisation aux niveaux supérieurs d’une structure industrielle. L’entreprise de niveau supérieur peut, par exemple, contrôler le modèle économique qui décide si l’entité responsable d’exploiter l’entreprise ou de fournir les biens ou les services peut se permettre de respecter les normes minimales. Par exemple, il peut s’agir d’un franchiseur dont le modèle économique ne permet pas facilement au franchisé de respecter les normes minimales. Aussi, une entreprise ayant besoin d’un service particulier peut créer une vive concurrence entre des entreprises subordonnées avec lesquelles elle fait affaire, en procédant constamment à de nouveaux appels d’offres. Ou encore, elle peut établir des politiques de tarification qui ne permettent pas aux entreprises subordonnées de se conformer facilement à la LNE. Il existe parfois une chaîne contractuelle à plusieurs niveaux de sous-traitants, dont le travail est en réalité exécuté au niveau le plus bas.
Le fait d’attribuer la responsabilité aux entités du niveau supérieur pourrait bien les inciter à changer leurs stratégies afin d’améliorer les taux de conformité des employeurs subordonnés plus bas dans la chaîne, ou à changer de modèle économique pour que l’entreprise qui offre le service ou les biens puisse respecter les conditions d’emploi minimales.
En outre, les entreprises peuvent être structurées en plusieurs sociétés dont l’une détient principalement les actifs – tandis qu’une autre assume principalement les passifs, s’efforçant ainsi de s’isoler l’une de l’autre. Les mesures visant à percer le voile social sont fréquentes pour que les administrateurs soient responsables si l’employeur ne paie pas, ou pour que les sociétés liées soient tenues responsables si elles ignorent les normes minimales.
Les dispositions relatives aux « employeurs liés » sont communes à tout le Canada. Parmi les huit provinces et territoires dont les lois sur les normes d’emploi contiennent une disposition relative aux employeurs liés, seul l’Ontario exige de déterminer si l’intention ou l’effet de la structure d’entreprise est d’aller à l’encontre de l’objet de la Loi.
Les lois sur les normes d’emploi dans trois provinces – le Québec, la Colombie-Britannique et la Saskatchewan – contiennent des dispositions qui étendent la responsabilité des salaires impayés au-delà des employeurs directs et des employeurs liés dans certaines circonstances où les employeurs externalisent le travail.
Au Québec, la Loi sur les normes du travail prévoit qu’un employeur qui signe un contrat avec un sous-traitant, directement ou par l’entremise d’un intermédiaire, est, en vertu de la Loi, responsable solidairement avec ce sous-traitant et l’intermédiaire de leurs obligations pécuniaires. Cette disposition existe depuis plusieurs décennies, mais elle est rarement invoquée. Elle ne peut être exécutée que par les tribunaux, et uniquement à la demande de la Commission des normes du travail.
L’Employment Act de la Saskatchewan (article 2-69) prévoit une disposition semblable stipulant que si un employeur ou un entrepreneur signe un contrat avec toute autre personne pour l’exécution de la totalité ou d’une partie du travail de l’employeur ou de l’entrepreneur, l’employeur ou l’entrepreneur doit préciser dans le contrat que les employés de cette autre personne doivent recevoir les salaires auxquels ils ont droit. Si la personne omet de payer, l’employeur ou l’entrepreneur est responsable. Comme au Québec, cette disposition existe depuis plusieurs années et elle est utilisée en dernier recours.
La Loi sur les normes d’emploi de la Colombie-Britannique (article 30) tient les producteurs agricoles qui ont recours à des entrepreneurs pour la main-d’œuvre agricole responsables des salaires des employés des entrepreneurs si un entrepreneur n’est pas accrédité ou si le producteur n’a pas payé l’entrepreneur pour le travail exécuté.
L’État de la Californie a adopté une loi dite du « brother’s keeper » (grand frère),[131] visant à décourager les sociétés de conclure des ententes susceptibles de mener à des manquements en matière salariale. Elle tient les sociétés contractantes responsables des manquements des sous-traitants ayant trait aux salaires et aux heures de travail dans les industries de la construction, de la production agricole, du vêtement et des services de gardiens de sécurité si la société contractante savait, ou aurait dû savoir, que le contrat ne prévoit pas les fonds suffisants pour permettre au sous-traitant de se conformer aux lois.
En janvier 2016, le département du travail des États-Unis a émis une nouvelle interprétation de ce qu’il décrit comme une augmentation de la fréquence de la double activité dans l’économie.[132] Le concept de la double activité aux États-Unis s’appuie sur une définition étendue d’employeur, qui vise à définir de la façon la plus vaste possible la relation de travail. Quand il y a double activité, tous les employeurs connexes sont solidairement responsables du respect de la Loi.[133] L’interprétation décrit deux formes de double activité :
Quand il examine les « réalités économiques », le DOL vérifie :
L’interprétation du DOL a été fortement critiquée par certains employeurs américains.
On a fait valoir qu’il est juste que les entreprises ou les employeurs pilotes qui externalisent le travail ou, dans certains cas, les administrateurs d’entreprises, assument une certaine part de responsabilité relativement aux normes d’emploi régissant les employés de l’entreprise dont ils tirent avantage. Certains affirment que les entités qui bénéficient des avantages ou des profits tirés d’un travail en particulier devraient partager la responsabilité de faire en sorte que les normes minimales prévues dans la Loi soient respectées lors de la production des biens et des services utilisés dans cette entreprise. On a fait valoir qu’il est juste et approprié que les entreprises pilotes qui dictent les conditions pour l’approvisionnement des biens et services partagent la responsabilité du respect des normes d’emploi pour la production et l’offre de ces biens et services.
Dans le cas des franchiseurs, certains affirment que leur contrôle global de la marque, le modèle opérationnel et les détails du fonctionnement de l’entreprise font en sorte qu’il est approprié qu’ils assument la responsabilité du respect de la Loi sur les normes d’emploi, conjointement avec les franchisés. Cette argumentation vaudrait, peu importe le degré de contrôle exercé par le franchiseur sur les conditions d’emploi des employés du franchisé. Par ailleurs, les franchiseurs pourraient être tenus responsables uniquement lorsqu’ils exercent un degré de contrôle suffisant pour être considérés comme des employeurs connexes.
Par conséquent, les groupes de défense des employés et certains universitaires ont suggéré d’ajouter des dispositions pour créer des obligations envers les entreprises plus haut placées dans la chaîne de sous-traitance ou d’approvisionnement, afin de régler les problèmes de non-conformité par les employeurs situés à un échelon inférieur dans la chaîne, ou par les sous-traitants. Plus particulièrement, une partie ou la totalité des mesures ci-dessous sont recommandées :
En outre, les groupes d’employés et de travail ont indiqué que les dispositions actuelles relatives aux « employeurs liés » sont trop restreintes. Plus particulièrement, les observations sont axées sur l’interprétation restreinte que l’on a donnée au deuxième critère de la section 4 – l’exigence liée à « l’intention ou à l’effet » – établissant un critère extrêmement difficile à respecter et qui rend inefficace la section 4 pour attribuer la responsabilité à d’autres entités qui, dans les faits – en satisfaisant au premier critère – sont associées ou liées à l’employeur direct. Ces groupes ont donné des exemples d’employeurs n’ayant pas effectué les paiements visés par une ordonnance, et qui continuent d’exploiter d’autres entreprises liées sans jamais être poursuivis pour le paiement de ces dettes. Un syndicat a fait observer que cette interprétation restreinte a coûté des millions de dollars à ses membres en salaires impayés, incluant les indemnités de licenciement et de départ, et a demandé l’abrogation du critère d’« intention ou d’effet ».
Les employeurs font valoir que des dispositions législatives plus vastes, comme celles que l’on trouve au Québec et en Saskatchewan – qui rendent toutes les entreprises responsables des infractions aux normes d’emploi commises par leurs entrepreneurs – constituent une ingérence trop marquée dans le marché où la passation de contrats constitue un outil commercial légitime pour organiser la production de biens et services. Il peut être nécessaire d’adopter une stratégie d’abaissement des coûts en créant de la concurrence pour la fourniture de biens et services grâce à la sous-traitance du travail, afin de demeurer concurrentiel et d’assurer la viabilité de l’entreprise. Quoi qu’il en soit, on a fait valoir qu’il existe une différence entre les contrats pour lesquels l’entreprise contrôle très étroitement les conditions d’exécution du travail – et qui favorisent volontairement la concurrence pour le travail – et les autres situations où la raison pour laquelle on embauche un entrepreneur est l’expertise qu’il possède pour exécuter le travail demandé. C’est une stratégie commerciale tout à fait normale de demander à l’entité la plus efficace d’effectuer le travail. Certains affirment qu’il est impossible de faire la distinction entre ces deux situations, et qu’il est injuste de rendre les entreprises responsables des contraventions à la LNE dont sont coupables certains de leurs entrepreneurs.
Les représentants de l’industrie du franchisage font valoir qu’il n’est pas nécessaire de rendre les franchiseurs responsables des obligations des franchisés en vertu de la LNE, que cette mesure est coûteuse et contraignante, et qu’elle pourrait menacer l’ensemble du modèle de franchisage, qui est une source d’emplois et contribue à l’économie de l’Ontario. Ils sont d’avis que la Loi, en raison de la disposition relative aux employeurs liés, prévoit déjà les situations atypiques où un franchiseur exerce une importante mesure de contrôle sur les décisions concernant les employés d’un franchisé, ou y participe directement. Les franchiseurs font valoir que le modèle de la franchise le plus couramment utilisé rend les franchisés responsables de l’emploi, et que ce sont eux qui déterminent les conditions d’emploi de leurs employés.
On estime généralement que la LNE est une loi conçue pour définir les conditions d’emploi de base minimales applicables à tous les employeurs et à tous les employés, qui prévoit des minimums de base et des règles du jeu communes. De prime abord, les exemptions ne sont pas cohérentes avec le principe de l’universalité – selon lequel les conditions minimales définies dans la Loi doivent s’appliquer à tous les employés. Nous convenons que la LNE doit s’appliquer au plus grand nombre d’employés possibles, et que les écarts ou modifications à la norme doivent être limités et justifiables.
Comme nous l’avons fait remarquer ailleurs dans le présent rapport provisoire et dans le cadre de notre mandat, le travail a évolué pour de nombreuses personnes au cours des dernières années. Des exemptions injustifiées ou périmées peuvent avoir une incidence négative involontaire sur les employés dans les milieux de travail d’aujourd’hui. On peut s’inquiéter que plusieurs employés soient privés des mécanismes de protection prévus dans la LNE, mécanismes essentiels au traitement juste et décent de ces employés.
Les entreprises ont aussi connu un changement fondamental. Plusieurs d’entre elles ont connu d’importants changements technologiques et ont aussi dû simplifier leurs activités et changer considérablement la façon dont elles fonctionnent pour relever les défis que présentent des marchés très concurrentiels. Plusieurs de ces changements touchent le travail et les conditions de travail des employés. Des exemptions injustifiées ou périmées pourraient entraîner une certaine iniquité si certains employeurs obtiennent un avantage concurrentiel sur les autres en raison de ces exemptions.
L’expérience nous a appris qu’un seul type de réglementation ne peut s’appliquer à toutes les industries et à tous les groupes d’employés. L’économie en constante évolution de l’Ontario est très diversifiée, et il est important de faire preuve d’une certaine souplesse pour tenir compte des besoins et des circonstances qui caractérisent des industries ou des groupes professionnels particuliers, ainsi que les employés dont les emplois dépendent du succès de ces industries. Nous ne pouvons pas simplement ignorer la possibilité de l’incidence négative de l’élimination complète des exemptions sans un examen plus attentif. Bien que les exemptions doivent faire l’objet d’une évaluation minutieuse, nous convenons qu’il est possible de modifier l’une des normes prévues dans la Loi pour des secteurs en particulier sans pour autant sacrifier l’équité ou la légitimité des intérêts des employés s’il y a des motifs convaincants pour consentir un traitement différent.
La LNE prévoit plus de 85 exemptions et règles spéciales complexes. En outre, les dispositions relatives aux congés d’urgence personnelle et aux indemnités de départ s’appliquent uniquement aux grands employeurs (voir les sections 5.3.4 et 5.3.8 respectivement). Les exemptions servent à permettre à certains employeurs d’éviter de payer le salaire minimum et de se soustraire à d’autres dispositions, notamment pour ne pas payer les indemnités de vacances et de jours fériés, ou encore les heures supplémentaires. En conséquence, un nombre important d’employés ne bénéficient pas de la protection prévue par des dispositions fondamentales de la Loi – essentiellement au chapitre des heures de travail et de la rémunération des heures supplémentaires. Plusieurs de ces exemptions sont accordées aux industries où œuvrent des travailleurs vulnérables occupant des emplois précaires. Par exemple, on estime que 29 % seulement des employés à faible revenu sont entièrement protégés par les dispositions relatives aux heures supplémentaires, comparativement à une proportion de 70 % d’employés ayant un revenu moyen ou supérieur, et il en va de même pour plusieurs des exemptions accordées.[134]
Certaines exemptions datent de plusieurs décennies et sont accordées sous une forme ou une autre depuis 1944. Plusieurs ont été instituées de façon ponctuelle au fil des ans, en grande partie sous l’influence de groupes de pression dans le cadre de processus opaques auxquels les employés n’ont pas réellement participé, ou très peu.
Le ministère du Travail dispose maintenant d’un cadre stratégique interne pour évaluer les nouvelles exemptions et les règles spéciales. Depuis 2005, le ministère a approuvé six de ce qu’il appelle les « règles spéciales selon le secteur » (SIR). Ces règles ont été créées en fonction de principes et de critères élaborés par le ministère pour toutes les nouvelles demandes d’exemptions. Les SIR permettent de modifier la norme de travail exécutée pour certains emplois dans certains secteurs, et elles ont été créées dans des situations où il pourrait ne pas être possible de respecter une norme prévue dans la LNE en raison de problèmes de production uniques, mais où une version modifiée de la norme pourrait raisonnablement être appliquée. Pour élaborer ces règles, le ministère a mené des consultations exhaustives auprès des intervenants touchés. Le ministère a organisé des réunions entre les parties touchées, comprenant des représentants des employés – généralement les syndicats pertinents, et a élaboré des règles modifiées qui ont fonctionné pour ces parties et ont répondu à un ensemble de principes stratégiques cohérents. Ces principes du ministère sont présentés ci-dessous.
La plupart des exemptions actuelles ont précédé l’élaboration du présent cadre stratégique et n’ont pas fait l’objet d’un examen qui permettrait de savoir si elles sont conformes à ce cadre stratégique. Par conséquent, il se peut que la raison d’être de ces exemptions ne soit pas très cohérente ou qu’elle soit périmée. Les motifs de plusieurs des exemptions actuelles sont imprécis. Des normes modifiées sont appliquées dans certains secteurs et pour certains emplois. Dans d’autres secteurs et pour d’autres emplois, il existe des exemptions élargies pour lesquelles les conditions d’emploi, comme les heures de travail, sont essentiellement non réglementées. Globalement, les exemptions actuelles ne s’inscrivent pas dans un cadre stratégique cohérent, et elles constituent un ensemble de règles disparates.
En conséquence, nous envisageons non seulement un processus permettant d’examiner les exemptions actuelles, mais aussi un processus qui pourrait être utilisé ultérieurement pour élaborer des règles correspondant à des situations et des circonstances exceptionnelles, susceptibles de justifier un traitement spécial. Bref, il pourrait être approprié de recourir à un processus sectoriel dans diverses situations.
Nous présentons ci-dessous les principes et les critères utilisés par le ministère pour traiter les nouvelles demandes d’exemptions :
Condition essentielle A :
La nature du travail dans un secteur est telle qu’il n’est pas pratique d’y appliquer une norme minimale. L’application de la norme empêcherait complètement l’exécution d’un certain type de travail, ou modifierait considérablement le résultat de ce travail; le travail ne pourrait pas continuer d’exister dans une forme se rapprochant un tant soit peu de sa forme actuelle. La « nature » du travail est liée aux caractéristiques du travail lui-même. Elle n’est pas liée à la quantité de travail exécuté par un certain nombre d’employés.
Condition essentielle B :
Les employeurs dans un secteur n’exercent aucun contrôle sur les conditions de travail régies par la norme.
Si l’une des conditions essentielles, ou les deux sont respectées, une condition supplémentaire doit être respectée :
En plus des conditions énoncées ci-dessus, deux autres considérations doivent être prises en compte :
Au cours des consultations, nous avons entendu différentes organisations et différentes personnes formuler leurs inquiétudes quant au nombre des exemptions contenues dans la Loi, ou quant à certaines exemptions spécifiques à un emploi en particulier. Nous avons constaté de vives critiques provenant de plusieurs sources relativement au nombre des exemptions et à leur portée, et au fait qu’elles sont non seulement contraires à l’objectif implicite de l’universalité, mais qu’elles sont aussi :
et qu’elles nuisent à l’objectif poursuivi par la Loi, qui est d’assurer des conditions d’emploi minimales, car elles privent plusieurs travailleurs de la protection offerte par des normes d’emploi fondamentales.
On a fait valoir que le coût des exemptions n’est pas supporté uniquement par les employés qui ne sont pas protégés par la Loi et qui subissent une perte de revenu et ne bénéficient pas d’un nombre suffisant de congés, mais qu’il y a également un coût social lié à la santé et à la sécurité en raison du nombre excessif d’heures supplémentaires et des heures de travail trop longues. Ces coûts sont assumés de façon disproportionnée par les travailleurs vulnérables occupant des emplois précaires.
Certaines organisations ont demandé que les exemptions actuelles soient maintenues ou élargies, alléguant qu’elles demeurent nécessaires pour maintenir leur viabilité et leur caractère concurrentiel. Ces organisations ont fait valoir qu’il existe des circonstances où il faut s’éloigner de la règle générale, et ont signalé qu’il fallait se garder d’adopter une politique « universelle ». Par exemple, des facteurs saisonniers ou des conditions météorologiques imprévisibles peuvent créer de l’incertitude nécessitant l’adoption d’heures de travail plus souples.
Les intervenants touchés ne nous ont pas demandé directement d’examiner les SIR adoptées après 2005, mais, par contre, un groupe d’employés touchés nous a demandé de ne pas intervenir à l’égard de ces règles.
Des exemptions partielles ou complètes touchant une partie importante de la population active ont été enchâssées dans les lois et les règlements de l’Ontario depuis des décennies. Certaines étaient peut-être justifiées mais sont maintenant périmées et injustifiées. Certaines n’ont peut-être jamais été justifiées ni analysées avec l’attention que requiert une dérogation aux normes d’emploi.
Bien que nous ayons été réticents à cette étape de notre examen à tirer des conclusions définitives relativement à l’une ou l’autre de ces questions, parce qu’il faut que les consultations se poursuivent, nous avons décidé, pour que la suite du processus de consultation soit plus utile, qu’il n’était pas de l’intérêt public de recommander l’élimination complète de toutes les exemptions sans pousser davantage l’examen. Bien que certains changements puissent être justifiés dans l’immédiat, certaines autres exemptions actuelles ne devraient pas être éliminées ni modifiées sans une évaluation plus attentive et sans poursuivre les consultations auprès des parties en cause. Les contraintes de temps et de ressources signifient toutefois que la mise en œuvre d’un processus de consultation pour l’examen détaillé des exemptions n’est pas envisageable dans le cadre du présent examen. Ainsi, nous recommanderons vraisemblablement que l’Ontario établisse un nouveau processus d’examen pour évaluer les avantages de plusieurs des exemptions, afin de déterminer si elles sont justifiées ou si elles devraient être modifiées ou éliminées. La mise en œuvre d’un tel processus d’examen pourrait entraîner plusieurs autres changements, mais uniquement après avoir considéré attentivement chacune des questions. Le processus d’examen que nous recommanderons vraisemblablement ferait appel à des critères établis d’évaluation des exemptions, et il s’appuierait sur la participation des travailleurs et de leurs représentants, ainsi que sur celle des employeurs et des autres intervenants intéressés. Pour tout examen des exemptions, il est essentiel d’établir un cadre stratégique cohérent afin de documenter cet examen. Il est donc également essentiel de reconnaître l’importance de définir équitablement la protection et les responsabilités des employés et des employeurs, à moins qu’il soit clair qu’une autre solution s’impose.
Les exemptions et les règles spéciales peuvent tenir compte du fait que les caractéristiques uniques de certains emplois et de certains secteurs nécessitent une approche qui diffère de la norme. Toutefois, elles doivent aussi tenir compte du fait qu’une exemption diminue habituellement les droits en matière d’emploi. Selon nous, le fardeau de la preuve pour démontrer qu’il faut maintenir, élargir ou modifier une exemption est complexe et repose sur les parties qui souhaitent le maintien de l’exemption. Les promoteurs d’une exemption doivent aussi s’efforcer de trouver l’équilibre entre les besoins et les intérêts des travailleurs et les besoins d’un secteur en particulier. De plus, toute réduction ou modification des droits des employés doit passer par la consultation des parties en cause. En termes clairs, nous estimons essentiel que les représentants des travailleurs participent pleinement à ce processus pour que les intérêts des employés soient représentés et pris en compte.
Nous décrivons ci-dessous une approche visant les exemptions actuelles et nécessitant la création de 3 catégories :
Comme nous l’avons indiqué précédemment, les exemptions actuelles sont réparties en 3 catégories.
Pour les exemptions de la catégorie 1, nous demandons la formulation d’observations pour savoir s’il existe des motifs justifiant le maintien, la modification ou l’élimination de ces exclusions. D’emblée, nous sommes d’avis qu’il n’est pas nécessaire que ces exemptions fassent l’objet d’un autre examen. S’il existe des raisons pour lesquelles ces exemptions devraient faire l’objet d’un processus d’examen ultérieur, plutôt que d’être traitées dans le cadre de l’Examen portant sur l’évolution des milieux de travail, nous invitons les intervenants à présenter leurs observations sur cette question également. Ces exemptions portent sur les emplois suivants :
Les exemptions de la catégorie 2 correspondent à des modifications récentes (c.-à-d. à des SIR) apportées depuis 2005 conformément à un cadre stratégique et après un processus exhaustif de consultation auprès des intervenants. D’emblée, nous sommes d’avis qu’il n’est pas justifié de procéder actuellement ou ultérieurement à un examen pour évaluer s’il faut modifier ou éliminer ces exemptions. Nous demandons aux intervenants de formuler leurs observations quant à savoir s’il existe des motifs pour examiner maintenant ces règles spéciales adoptées récemment. Ces exemptions portent sur les emplois suivants :
La catégorie 3 englobe les exemptions restantes (voir la liste à la fin de la section 5.2.3) qui, selon nous, devraient faire l’objet d’un examen selon un processus transparent et cohérent permettant de déterminer s’il est justifié d’accorder une exemption. Pour ces exemptions, nous voulons obtenir des observations quant au processus approprié pour l’examen et l’évaluation des exemptions actuelles ainsi que pour l’examen des nouvelles exemptions qui pourraient être proposées ultérieurement. Nous avons défini certaines options pour la réalisation de ce processus d’examen.
Option 1 : Utilisation du cadre stratégique élaboré par le ministère pour le processus relatif aux SIR, décrit précédemment, et utilisation des critères élaborés par le ministère dans le cadre du processus relatif aux SIR afin d’évaluer les exemptions.
Option 2 : Création d’un nouveau processus prévu par la Loi pour examiner les exemptions dans l’intention de faire des recommandations au ministre relativement au maintien, à la modification ou à l’élimination des exemptions et des règles spéciales de la façon suivante :
Option 3 : Créer un nouveau processus prévu par la Loi dans le cadre duquel la CRTO aurait le pouvoir d’élargir les conditions d’une convention collective à l’ensemble d’un secteur.
Essentiellement, cette option permettrait de transférer à la CRTO le pouvoir dévolu au Conseil des ministres de promulguer les conditions d’emploi pour un secteur :
Exemptions actuelles dont nous pourrions recommander l’élimination ou la modification sans autre examen que l’Examen portant sur l’évolution des milieux de travail :
Le « professionnel en technologie de l’information » est, selon la définition contenue dans le Règlement 285/01 de la LNE, « un employé dont l’activité principale consiste à étudier, à analyser, à concevoir, à élaborer, à mettre en œuvre, à exploiter ou à gérer des systèmes d’information axés sur les technologies informatiques et les technologies connexes par l’application objective de connaissances spécialisées et d’un jugement professionnel. »
Les professionnels en technologie de l’information ne sont pas visés par toutes les règles relatives aux heures de travail (limites d’heures de travail quotidiennes et hebdomadaires, périodes de repos quotidiennes et pauses-repas) et n’ont pas droit à la rémunération des heures supplémentaires. Ces exemptions existent depuis 2001 et ont été adoptées en réponse aux demandes des intervenants du secteur. Il semble que la demande d’une exemption ait pu être faite dans la foulée des craintes soulevées par la possible instabilité des systèmes informatiques liée au « bogue de l’an 2000 ». Il ne nous apparaît pas de façon évidente que les personnes occupant un emploi dans ce secteur ont été consultées.
Les intervenants du secteur allèguent que le soutien en temps opportun fourni par les professionnels en technologie de l’information est souvent nécessaire pour préserver l’intégrité des systèmes de technologie de l’information, et pour éviter que les problèmes ou les défaillances liés à leur fonctionnement ne s’aggravent.
La définition des professionnels en technologie de l’information devait être restrictive et avoir une portée limitée. Les exemptions devaient s’appliquer uniquement aux employés travaillant avec des « systèmes d’information » et faisant appel à « l’application objective de connaissances spécialisées et d’un jugement professionnel. » Les exemptions ne devaient pas s’appliquer aux employés qui exécutent des tâches régulières ne nécessitant pas des connaissances spécialisées et un jugement professionnel.
L’Alberta, la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse prévoient des exemptions pour le travail lié à la technologie de l’information. En Alberta, les « professionnels en technologie de l’information » ne sont pas visés par les limites d’heures de travail, ni par les règles relatives aux périodes de repos, aux pauses-repas et à la rémunération des heures supplémentaires. En Colombie-Britannique, les « professionnels de la haute technologie » ne sont pas visés par les règles relatives aux périodes de repos, aux pauses-repas, à la rémunération des heures supplémentaires et à la rémunération des jours fériés. En Nouvelle-Écosse, les professionnels en technologie de l’information ne sont pas visés par les règles relatives à la rémunération des heures supplémentaires.
Certaines personnes nous ont parlé de cette question. Le ministère nous a également indiqué que des préoccupations à ce sujet lui sont fréquemment transmises.
On prétend que la raison pour laquelle ce secteur en particulier n’est pas visé par toutes les dispositions de la LNE relatives aux heures de travail et aux heures supplémentaires n’est pas claire. Il existe de nombreux autres secteurs où des mesures ou des interventions urgentes sont essentielles, et où les heures sont prolongées pour réparer de l’équipement, assurer la production en temps opportun, respecter des échéances, etc. Dans la plupart de ces autres secteurs, les règles habituelles prévues dans la Loi s’appliquent, et c’est pourquoi plusieurs domaines essentiels, comme celui de la fourniture et de la réparation d’installations électriques, de l’exploitation et de la réparation de lignes de distribution électrique, des soins de santé d’urgence, des opérations boursières et plusieurs autres sont visés par la LNE. On ne peut dire avec précision quels facteurs spéciaux justifient cette exclusion en particulier.
Si l’on présume que l’exemption est justifiée, les employés du secteur de la technologie de l’information ont souvent répété que les exemptions sont utilisées de façon abusive, soit par inadvertance, soit intentionnellement. Les employés qui semblent offrir des fonctions courantes de soutien, d’entretien et de mise à niveau de systèmes d’information, ou qui occupent des emplois comme ceux de concepteurs de logiciels pour des jeux électroniques, se plaignent qu’on leur dise qu’ils ne sont pas visés par les règles relatives aux heures de travail et à la rémunération des heures supplémentaires. Nous n’avons pas l’impression que les exemptions visent ce genre de travail.
Bien qu’une exemption modifiée puisse être justifiable, nous ne percevons pas clairement pourquoi il y a exemption globale de toutes les règles relatives aux heures de travail, y compris en ce qui a trait aux limites d’heures de travail quotidiennes et hebdomadaires, aux périodes de repos et aux pauses-repas, ainsi qu’à la rémunération des heures supplémentaires, et pourquoi au moins certaines limites ne sont pas appropriées.
On a fait valoir que la définition des professionnels en technologie de l’information donne lieu à beaucoup d’interprétation et qu’elle n’est pas claire, ce qui crée le risque qu’elle soit utilisée dans des circonstances pour lesquelles elle n’est pas prévue.
Les exemptions pour les « pharmaciens » sont prévues dans le Règlement 285/01 de la LNE et « s’appliquent aux personnes employées à titre de pharmaciens dûment inscrits et aux étudiants qui suivent la formation pour devenir praticiens. »
Les pharmaciens ne sont pas visés par toutes les règles relatives aux heures de travail (limites d’heures de travail quotidiennes et hebdomadaires, périodes de repos et pauses-repas), à la rémunération des heures supplémentaires, aux congés d’urgence personnelle, aux jours fériés, aux vacances payées et au salaire minimum. On suppose que, à titre de professionnels, les pharmaciens ont l’obligation de répondre aux besoins des patients, et qu’il leur est parfois impossible d’interrompre leur travail pour prendre une période de repos, et c’est pourquoi des exemptions ont été accordées. En outre, à l’époque où l’exemption a été accordée, un plus grand nombre de pharmaciens étaient vraisemblablement des propriétaires de pharmacie indépendants, et il a pu sembler que la question n’était pas très importante.
Les pharmaciens sont visés par les mêmes exemptions qui s’appliquent à plusieurs autres professions en vertu de la Loi, comme les médecins et les chirurgiens, les chiropraticiens, les dentistes et les physiothérapeutes. Plusieurs de ces exemptions pour les professionnels existent depuis longtemps et ont été accordées par suite de demandes présentées par les organismes de réglementation des professionnels. Chacune des professions visées par une exemption est régie par un ordre professionnel différent. Les pharmaciens sont régis par l’Ordre des pharmaciens de l’Ontario.
Le Manitoba et le Nouveau-Brunswick sont les seuls autres territoires qui permettent des exemptions pour les pharmaciens. Au Manitoba, les pharmaciens ne sont pas visés par les règles relatives aux périodes de repos, à la rémunération des heures supplémentaires, aux jours fériés et au salaire minimum. Au Nouveau-Brunswick, les pharmaciens ne sont pas visés par les règles relatives aux jours fériés.
Territoire | Exemptions pour les pharmaciens |
---|---|
Ontario |
Toutes les règles relatives aux heures de travail (limites d’heures de travail quotidiennes et hebdomadaires, périodes de repos et pauses-repas), à la rémunération des heures de travail, aux jours fériés, aux vacances rémunérées et au salaire minimum |
Nouvelle-Écosse |
s.o. |
Québec |
s.o. |
Terre-Neuve-et-Labrador |
s.o. |
Île-du-Prince-Édouard |
s.o. |
Nouveau-Brunswick |
Jours fériés |
Saskatchewan |
s.o. |
Alberta |
s.o. |
Colombie-Britannique |
s.o. |
Manitoba |
Périodes de repos, pauses-repas, rémunération des heures supplémentaires, jours fériés et salaire minimum |
Lors des consultations, plusieurs pharmaciens nous ont parlé des exigences selon lesquelles ils doivent travailler un nombre excessif d’heures, sans prendre de pauses, et de leurs inquiétudes quant à la sécurité et à la qualité des soins pharmaceutiques en raison de ces mauvaises conditions de travail. Le ministère nous a également indiqué qu’il reçoit régulièrement de la correspondance à ce sujet.
On nous a également dit, pendant les consultations, que la nature du travail et le milieu de travail des pharmaciens ont radicalement changé au cours des dernières décennies. Plusieurs pharmaciens sont des employés qui n’ont aucun contrôle sur leur milieu de travail, et il n’est pas rare que des pharmaciens travaillent pour des employeurs qui ne sont pas pharmaciens. Les pharmacies franchisées où les quarts de travail sont fréquemment de 12 heures et plus, sans garantie de pauses, ont remplacé plusieurs pharmacies indépendantes. Les conséquences pour la santé des pharmaciens et l’augmentation des risques d’erreurs dans l’exécution des ordonnances sont des facteurs dont il faut tenir compte.
Les employés classés comme gestionnaires ou superviseurs sont exemptés de la rémunération des heures supplémentaires et des règles qui régissent les heures de travail maximum quotidiennes et hebdomadaires, les périodes de repos quotidiennes et hebdomadaires/aux deux semaines, et la période d’inactivité entre les quarts de travail.
Les gestionnaires et superviseurs sont les employés qui font un travail de gestion ou de supervision et qui peuvent effectuer des tâches qui ne relèvent pas de leurs fonctions de gestion ou de supervision « de façon irrégulière ou à titre exceptionnel ». Cela signifie que l’exemption accordée au superviseur/gestionnaire peut s’appliquer même si l’employé n’effectue pas exclusivement des tâches de gestion ou de supervision.
« À titre exceptionnel » signifie que les tâches qui ne relèvent pas des fonctions de gestion ou de supervision peuvent être exécutées tant qu’elles se situent en dehors du cadre habituel des fonctions de l’employé. « De façon irrégulière » sous-entend que bien que la réalisation des tâches qui ne relèvent pas des fonctions de gestion ou de supervision n’est pas inhabituelle ou inattendue, elle demeure non planifiée et sporadique; « de façon irrégulière » peut également dépendre de la fréquence à laquelle ces tâches sont effectuées et du temps qui leur est consacré.[136]
Le fait qu’un employeur donne à un employé le titre de « superviseur » ou de « gestionnaire » ne fait pas en sorte que l’exemption s’applique automatiquement. Les fonctions réelles de l’employé doivent être évaluées.
Le nombre de travailleurs actifs qui indiquent occuper un poste de gestion est demeuré relativement stable, et a même baissé au fil du temps, passant d’un sommet de 10,7 % au milieu des années 1990 à 8,5 % en 2014.[137]
De nombreuses provinces exemptent les gestionnaires de la rémunération des heures supplémentaires (les exceptions sont le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador et l’Île-du-Prince-Édouard). La plupart des provinces exemptent aussi les gestionnaires d’au moins quelques règles concernant les heures de travail. Par exemple, l’Alberta et la Colombie-Britannique exemptent les gestionnaires des règles concernant les périodes de repos et les périodes de repas.[138]
La loi fédérale américaine sur les normes de travail équitables (FLSA) exempte certains membres du personnel dirigeant et administratif des exigences liées au salaire minimum et à la rémunération des heures supplémentaires. Les exemptions pour les membres du personnel dirigeant et administratif sont fondées sur une vérification du « salaire plus fonctions ». Pour être concerné par les exemptions, un employé doit occuper certaines fonctions et recevoir un certain salaire.
Dirigeants
Exempté si les conditions suivantes sont respectées :[139]
ET
Personnel administratif
Exempté si les conditions suivantes sont respectées :[140]
ET
Employés à rémunération élevée :
Les employés qui effectuent du travail de bureau ou non manuel et reçoivent une rémunération annuelle de 100 000 $ ou plus sont exemptés s’ils occupent ordinairement et régulièrement au moins une des fonctions d’un dirigeant ou d’un employé administratif exempté, tel que décrit ci-dessus.
Le département du Travail des États-Unis (DOL) met actuellement les seuils salariaux à jour pour ces exemptions. Conformément à la nouvelle règle, qui entrera en vigueur le 1er décembre 2016, le salaire de base sera fixé au 40e centile des revenus hebdomadaires des employés salariés à temps plein de la région de recensement ayant le salaire le moins élevé (actuellement le Sud); il s’agit de 913 $ par semaine (47 476 $ par an pour un travailleur à l’année). L’exemption pour revenu élevé sera fixée au 90e centile des revenus des employés salariés à temps plein à l’échelle nationale, soit 134 004 $. Ces taux salariaux seront automatiquement mis à jour tous les trois ans, à compter du 1er janvier 2020.
Le DOL estime que durant la première année, 4,2 millions de travailleurs actuellement exemptés pourraient avoir droit à la rémunération des heures supplémentaires. Aussi, il estime que 65 000 travailleurs actuellement exemptés en vertu de la catégorie « employés à rémunération élevée » pourraient ne plus l’être.
On fait valoir que cette exemption entraîne des coûts importants pour les travailleurs, qui totalisent 196 millions $ par année en Ontario.[141] On dit que la permission de travailler un nombre d’heures et d’heures supplémentaires illimité est un lourd fardeau placé sur les épaules de certains superviseurs et gestionnaires, surtout ceux dont la rémunération est peu élevée. On prétend également que l’interprétation du terme « exceptionnel » mène à un plus grand nombre d’heures supplémentaires non rémunérées, par exemple les heures supplémentaires travaillées par les gestionnaires quand les travailleurs sont absents durant un conflit de travail.
Bien que l’exemption ne fasse pas la différence entre superviseurs et gestionnaires, on se demande s’il existe ou non une logique permettant d’exempter le personnel de supervision qui ne fait généralement pas partie d’une équipe de gestion de base. La question n’est pas de savoir s’il existe un conflit d’intérêts entre les superviseurs et les employés qu’ils supervisent, mais plutôt si les superviseurs ont le contrôle de leurs propres heures de travail, possèdent un réel pouvoir de négociation ou sont payés suffisamment pour justifier l’exemption.
Une autre préoccupation exprimée concerne la mauvaise classification grandissante des gestionnaires et superviseurs, qui reçoivent souvent un titre servant à les exclure sans motif valable, car ils sont généralement plus âgés et occupent des fonctions importantes, autres que des fonctions de gestion, sans protection contre le nombre excessif d’heures travaillées et sans être payés pour les heures supplémentaires. On pourrait avancer que bon nombre de ces employés ne fixent ou ne contrôlent pas non plus leurs propres heures et sont exploités par cette exemption.
Les justifications avancées pour défendre ces exemptions comprennent la prétendument solide position de négociation de ces employés, leur capacité de contrôler leurs heures, et le coût pour les employeurs. Certains employeurs ont prétendu que l’exemption devrait être élargie pour tenir compte de la fonction principale de ces personnes, en examinant leur niveau de rémunération et de formation, sans qu’on vérifie si leur travail comprend d’effectuer les tâches d’employés qui n’ont pas de fonctions de gestion ou de supervision. Par exemple, dans le domaine de la vente au détail, on avance que le fait que les gestionnaires et superviseurs servent des clients, car ils font partie de l’équipe, ne devrait pas en faire des employés réguliers ayant droit aux heures supplémentaires. On nous a également mentionné que la définition de gestionnaire/superviseur est trop vague et peut être difficile à appliquer correctement, et qu’un seuil minimal de salaire déterminant l’admissibilité aux heures supplémentaires devrait être pris en compte.
Les exemptions et règles spéciales pour les « préposés aux soins en établissement » prévues dans le Règlement 285/01 de la Loi sur les normes d’emploi sont en vigueur depuis 1982.
Un préposé aux soins en établissement est défini comme étant « quiconque est employé pour surveiller des enfants ou encore des personnes atteintes d’un handicap de développement[142], et en prendre soin, dans un logement ou une maison de type familial, et qui réside dans le logement ou la maison pendant les périodes de travail, à l’exclusion toutefois des parents de famille d’accueil. »
Selon la définition :
Les préposés aux soins en établissement sont exemptés des heures de travail, des périodes de repas (limites quotidiennes et hebdomadaires des heures de travail, périodes de repos et de repas obligatoires) et des dispositions portant sur les heures supplémentaires. Cependant, ils ont droit à 36 heures de temps libre pour chaque semaine de travail. Ils sont assujettis à des règles spéciales concernant le droit au salaire minimum et régissant le moment auquel le travail est réputé exécuté, en plus de devoir tenir un relevé de leurs heures.
À l’époque de la création de cette exemption, le gouvernement était en train de mettre en œuvre une politique d’abandon du placement en établissement. Cela comprenait la sortie des enfants ou encore des personnes atteintes d’un handicap de développement des grands établissements et, dans le plus grand nombre de cas possible, leur placement dans la collectivité en milieu résidentiel, préférablement dans un foyer de type familial.
La définition de préposé aux soins en établissement devait être restreinte et s’appliquer uniquement dans le cas des résidences dans lesquelles le foyer de type familial, avec supervision continue assurée par les mêmes personnes, était un aspect important dans la réhabilitation et le bien-être de la personne recevant les soins. Le fait de vivre sur le lieu de travail constitue également un important élément dans la définition de ce modèle de soins et de cette catégorie de travailleurs.
Les exemptions et les règles spéciales s’appliquant aux préposés aux soins en établissement avaient pour objectif de protéger les travailleurs responsables de la surveillance des enfants et des adultes avec un handicap de développement durant les périodes de sommeil et de repas des patients/résidents, ainsi que durant les périodes de divertissement ou de récréation à l’intérieur ou à l’extérieur de la résidence.
L’exemption s’appliquant aux préposés aux soins en établissement est considérée comme potentiellement désuète et possiblement hors de propos. La définition stricte de ce type de travailleurs reflète le contexte des années 1980 – soit l’intention d’appliquer les exemptions et les règles spéciales strictement à un type de travailleurs particulier, qui sert un type de clients particulier. Le contexte justifiant autrefois cette règle pourrait ne plus exister.
Les exemptions s’appliquant aux « concierges, employés d’immeuble ou préposés à l’entretien d’un immeuble d’habitation » sont définies dans le Règlement 285/01 de la LNE et concernent les concierges, employés d’immeuble ou préposés à l’entretien d’un immeuble d’habitation qui habitent dans l’immeuble. La personne doit vivre dans l’immeuble dont elle est responsable, ou dans un autre immeuble du même complexe immobilier.
Ces postes sont exemptés de quelques règles concernant les heures de travail (limites quotidiennes et hebdomadaires des heures de travail et périodes de repos obligatoires), de la rémunération des heures supplémentaires, des jours fériés et du salaire minimum. Ces exemptions sont en vigueur depuis au moins 1969. L’exemption illustre la nécessité de réagir à des événements fréquents et imprévisibles ou de répondre à des demandes relatives aux préoccupations ou aux urgences des locataires. Cela peut parfois mener à de longues et imprévisibles heures de travail.
La Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation exige que les propriétaires entretiennent la propriété pour la maintenir en bon état. Il est pratique courante de répondre aux demandes d’entretien en fonction de leur niveau d’urgence, mais toutes les demandes fondées doivent être traitées dans un délai raisonnable. Il n’est pas requis d’assurer un service 24 heures sur 24.
La Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse sont les seules autres provinces ayant appliqué des exemptions aux concierges. Cependant, ces exemptions sont plus restreintes qu’en Ontario. En Colombie-Britannique, les concierges sont exemptés des périodes de repas et de la rémunération des heures supplémentaires. Ils sont également assujettis à une règle concernant le salaire minimum, en vertu de laquelle ils ont droit à un salaire de base mensuel et à un certain montant par unité de logement supervisée. En Nouvelle-Écosse, ils sont uniquement exemptés de la rémunération des heures supplémentaires.
Nous n’avons pas entendu beaucoup d’avis durant les consultations, mais le ministère a mentionné qu’on lui fait souvent part de préoccupations à ce sujet.
Les lettres reçues soulèvent des questions à propos de l’absence de droits en matière d’emploi. De façon générale, les personnes ont exprimé des inquiétudes à propos des longues heures de travail et du peu, s’il y en a, de temps libres pour les personnes occupant ces emplois. Les employés indiquent qu’on s’attend à ce qu’ils soient disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
Bien que la logique derrière ces exemptions découle en partie de la difficulté à assurer le suivi des employés effectuant ce genre de travail, effectué hors de la supervision de l’employeur, la technologie a changé si radicalement qu’il est possible qu’il existe désormais des façons de surveiller les heures de travail. Le simple fait que les autres territoires canadiens ne limitent pas les droits de ce type d’employés indique que la loi ontarienne pourrait être réexaminée.
Il existe un salaire minimum différent pour les étudiants de moins de 18 ans qui travaillent moins de 28 heures par semaine quand l’école est en cours, ou qui travaillent durant un congé scolaire ou les vacances d’été. Pour ces employés, le salaire minimum est fixé à 10,55 $ au lieu de 11,25 $.[143] Parmi les étudiants concernés par cette règle spéciale, 52 000 (59 %) déclarent gagner moins que le salaire minimum général, ce qui laisse croire que les employeurs appliquent cette disposition. On estime que le coût individuel de cette règle spéciale revient en moyenne à 8 $ par semaine par employé, et que le coût hebdomadaire pour l’ensemble des étudiants employés de l’Ontario est d’environ 482 000 $.[144]
L’Ontario est la seule province qui applique un salaire minimum moindre pour les étudiants.[145]
Le ministère estime que l’existence de ce salaire minimum pour les étudiants « vise à faciliter l’emploi des jeunes qui sont défavorisés sur le marché du travail par rapport aux étudiants plus âgés qui ont plus d’expérience de travail et que les employeurs considèrent peut-être comme étant plus productifs. »[146] Les défenseurs du salaire minimum inférieur estiment qu’il est nécessaire d’inciter les employeurs à embaucher des travailleurs plus jeunes, et que le taux d’emploi des jeunes reculerait si cette règle spéciale n’existait pas.
Les groupes d’étudiants souhaitent ardemment la suppression de cette règle spéciale, car ils la considèrent purement discriminatoire et estiment que les étudiants doivent obtenir des revenus plus élevés. Les groupes de défense des employés recommandent eux aussi l’élimination de ce salaire minimum pour les étudiants.
Les serveurs de boissons alcoolisées reçoivent un salaire minimum de 9,80 $, tandis que le salaire minimum général est de 11, 25 $.[147] Cette mesure est en vigueur, car ces serveurs reçoivent un revenu supplémentaire sous forme de pourboires. On dit que parmi les quelque 45 900 serveurs de boissons alcoolisées en Ontario, environ 9 000 (20 %) déclarent gagner moins que le salaire minimum général, même après pourboires et commissions. Pour ces employés, le coût moyen associé à ce salaire minimum inférieur, soit la différence entre leur salaire déclaré et le salaire minimum général, est d’environ 21 $ par semaine, selon leurs heures de travail habituelles. Pour l’ensemble des serveurs de boissons alcoolisées, le coût total est d’environ 258 900 $ par semaine.[148]
Nous désirons faire remarquer que l’Assemblée législative de l’Ontario a récemment adopté la Loi de 2015 sur la protection du pourboire des employés, qui empêchera les employeurs de saisir une partie des pourboires et autres commissions d’un employé, sauf dans certaines circonstances particulières. La Loi est entrée en vigueur le 10 juin 2016. Les effets de cette Loi sur les serveurs de boissons alcoolisées sont à découvrir.
L’Alberta et la Colombie-Britannique sont les deux seules autres provinces qui ont adopté un salaire minimum inférieur pour les serveurs de boissons alcoolisées. Le Québec possède un salaire minimum inférieur pour les salariés au pourboire.
Les groupes de défense des employés recommandent que le salaire minimum inférieur pour les serveurs de boissons alcoolisées soit éliminé.
(Remarque : les questions concernant les indemnités de rentrée au travail sont abordées à la section 5.3.2 - Planification des horaires).
Les étudiants de tout âge, peu importe le nombre d’heures qu’ils travaillent, sont exemptés de ce qu’on appelle la « règle des trois heures » ou « indemnité de rentrée au travail ». En vertu de cette règle, lorsqu’un employé qui travaille régulièrement plus de trois heures par jour est tenu de se rendre au travail pour un quart de moins de trois heures, il doit être rémunéré de l’une des façons suivantes, selon le montant le plus élevé :
La quasi-totalité des territoires canadiens ont mis en place des exigences concernant l’indemnité de rentrée au travail; deux ont prévu des règles spéciales pour certains étudiants.
En Saskatchewan, il y a une rémunération minimum pour travail sur appel de trois heures si un employé se rend au travail et qu’il n’y a pas de travail ou que l’employé travaille moins de trois heures. Cette règle ne s’applique pas aux étudiants de 12e année ou moins durant l’année scolaire; si ces employés travaillent, ils sont payés uniquement pour les heures travaillées, avec un minimum d’une heure.
En Alberta, il existe une « règle des trois heures » générale quand les employés sont appelés à se rendre au travail. Cependant, certains employés ne doivent être payés que deux heures; parmi ceux-ci, les adolescents (12-14 ans) qui travaillent durant une journée d’école, mais ceux-ci n’ont pas le droit de travailler plus de deux heures un jour d’école, quelle que soit la situation.
On dit que cette disposition est injuste pour les étudiants, qui doivent être protégés autant que les autres. Les critiques portent sur le fait que l’exemption les expose à des horaires discriminatoires et ardus en permettant aux employeurs de renvoyer les étudiants à la maison sans avoir à leur payer plus que les heures déjà travaillées. Cette disposition a encouragé les employeurs à planifier de manière irresponsable les horaires des étudiants, et a eu des effets négatifs sur les étudiants par rapport aux autres travailleurs. Nous n’avons pas reçu d’observations de la communauté des employeurs portant précisément sur cette exemption pour les étudiants, mais nous avons entendu parler de cette règle dans le contexte plus général de la planification des horaires.
Exemptions dans le domaine de l’agriculture :
Depuis quelques années, le nombre de cas rapportés de stages non rémunérés a explosé.
La LNE prévoit une exclusion pour les stagiaires et personnes en formation (appelés « particulier qui reçoit une formation » en vertu de la Loi). Les conditions à respecter pour que l’exclusion s’applique sont les suivantes :
En avril 2014, et de nouveau en septembre 2015, le ministère a mené des blitzes d’application proactive de la Loi, en se concentrant particulièrement sur les stagiaires en milieu de travail partout en province. Les agents du ministère vérifiaient les potentielles contraventions de la LNE et si les particuliers étaient considérés comme des employés en vertu de la Loi, et, donc, s’ils avaient droit à une rémunération.
Dans le blitz de 2014, sur 31 employeurs qui accueillaient des stagiaires, 13 étaient en contravention de la Loi.
Dans la campagne éclair de 2015, sur 77 employeurs qui accueillaient des stagiaires, 18 étaient en contravention de la Loi.
La Loi prévoit des exclusions pour les étudiants du niveau secondaire qui participent à un programme d’expérience de travail approuvé par le conseil et offert par les universités et les collèges d’arts appliqués et de technologie. Nous ne traiterons pas de ces exclusions.
Dans l’optique de recevoir une formation et d’acquérir une expérience de travail significative, certaines personnes sont parfois attirées par les stages ou formations non rémunérés qui leur permettront de dénicher un emploi bien rémunéré ultérieurement. Durant nos consultations, il a été affirmé que certains employeurs abusent de cette exclusion pour les stages et la formation en utilisant des stagiaires et personnes en formation pour accomplir du travail non rémunéré qui aurait pu être effectué par des employés rémunérés et dans des cas où une formation semblable à celle offerte dans une école de formation professionnelle n’est pas assurée. Il semble que plusieurs stages et formations ne respectent pas les exigences prévues dans la LNE et que certains employeurs font mauvais usage de l’exception afin de profiter de travail gratuit, ce qui fait en sorte que de nombreux employés sont injustement classés comme stagiaires ou personnes en formation et n’ont ainsi pas droit aux normes minimales d’emploi et aux protections prévues par la Loi.
Seules certaines parties de la Loi s’appliquent aux employés de la Couronne ou aux organismes de la Couronne, et à leur employeur. Le terme « Couronne » correspond au gouvernement de l’Ontario. Cette exception remonte à 1968.
Les dispositions suivantes de la LNE s’appliquent aux employés de la Couronne (c.-à-d. le gouvernement de l’Ontario) et leur employeur :
Les dispositions de la LNE qui ne s’appliquent pas aux employés de la Couronne sont les suivantes :
Ce ne sont pas tous les employés du secteur public qui sont concernés par cette exception, p. ex., les employés des hôpitaux, des municipalités, etc.
L’Ontario demeure l’exception parmi les provinces canadiennes en raison de l’étendue de l’exclusion accordée aux employés de la Couronne.
En Nouvelle-Écosse, seuls les sous-ministres ou autres administrateurs de la fonction publique sont exemptés des dispositions concernant la rémunération des heures supplémentaires. Le Manitoba utilise une exclusion de la rémunération des heures supplémentaires en fonction du salaire pour les employés de la Couronne, qui s’applique aux employés gagnant plus de 34 497 $ par année. Plusieurs provinces – incluant l’Alberta, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et la Saskatchewan – prévoient explicitement que les employés de la Couronne soient protégés par les lois sur les normes d’emploi.
Du côté fédéral, la plupart des sociétés fédérales de la Couronne sont protégées par la Partie 111 du Code canadien du travail, mais la fonction publique ne l’est pas.
Plusieurs provinces mettent l’accent sur l’inclusion – incluant l’Alberta, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et la Saskatchewan – mentionnant explicitement que les employés de la Couronne sont protégés par les lois sur les normes d’emploi.
L’exclusion concernant les employés de la Couronne en Ontario a été présentée comme une préoccupation par les groupes de travailleurs, qui estiment qu’il n’y a aucune logique expliquant l’exemption des employés de la Couronne des protections prévues par la LNE. Ils affirment que nonobstant le grand nombre de syndicats actifs dans la fonction publique, ces exclusions nuisent aux employés de la Couronne – particulièrement aux employés non syndiqués ou à contrat, qui peuvent en raison de cette exclusion se retrouver dans des conditions de travail inéquitables.
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